William Gasparini est professeur de sociologie et de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) à la Faculté des sciences du sport de Strasbourg, directeur adjoint de l’Ecole doctorale « Sciences Humaines et Sociales. Perspectives européennes » (ED 519) et élu au collège A du CA de l’université depuis 2012. Membre fellow de l’USIAS de 2013 à 2015 et doyen de la Faculté des sciences du sport de 2014 à 2016, il est actuellement lauréat d’une chaire Jean Monnet en sociologie européenne du sport. Ses recherches portent sur les cultures sportives contemporaines et sur la fonction du sport dans la construction européenne. Il dirige actuellement un programme du CNRS sur le sport communautaire et une enquête sur le rapport à l’activité physique des personnes obèses dans un quartier prioritaire de Strasbourg dans le cadre du contrat de Ville. Page professionnelle
« Pour une plus grande démocratie universitaire »
Pourquoi avez-vous rejoint Alternative 2017 ?
Pour mettre en œuvre le projet d’une université citoyenne au service de la « science pour la science » et des membres de notre communauté (étudiants et personnels), et ainsi poursuivre l’engagement qui a été le mien dans le cadre de mon mandat au CA, durant les quatre années qui viennent de s’écouler : agir ensemble pour une plus grande démocratie universitaire.
Que voulez-vous faire ?
Nous voulons évidemment poursuivre ce qui a marché mais en réorientant la politique universitaire vers une démarche plus collégiale et transparente. Par exemple, au-delà de quelques aspects positifs (une meilleure connaissance mutuelle des composantes et des collègues d’un même domaine), les collegium apparaissent aux yeux d’une majorité de collègues comme une seule instance de classement et de sélection des projets de recherche et de formation lancés par le CS et/ou dans le cadre des IdEx, avec des procédures très diverses et quelquefois discutables selon les collegium. À notre sens, la politique de recherche et de formation relève des conseils composés d’élus (CR et CFVU). J’observe également un déficit de collégialité dans le pilotage des IdEx. Au CA, avec la liste RDC, nous avions défendu une IdEx d’inclusion en augmentant non seulement son périmètre mais également ses bénéficiaires : l’IdEx ne concernait pas seulement la recherche mais aussi le domaine de la formation. Cette stratégie a permis le lancement de nombreux projets innovants de haut niveau. Cependant, la définition des programmes de recherche et des appels à projet manquent souvent de transparence. La stratégie est élaborée par un comité de pilotage réuni autour du Président, qui fixe les grands axes autour desquels s’inscrivent les réponses aux appels à projets. Les élus des conseils centraux ne participent pas à la prise de décision. Dans ce contexte, plus que des projets scientifiques, les IdEx sont en réalité des projets politiques dans une course à l’innovation au détriment de la recherche sur le temps long qui échappent aux instances élues de l’Université (CAC et CA).
Mais l’IdEx donne des financements importants à l’Université, non ?
Oui, mais parallèlement, les conditions d’enseignement et d’accueil des étudiants mais également les conditions de travail des personnels de l’université se dégradent, faute de crédits récurrents permettant le recrutement d’enseignants et de chercheurs en nombre suffisant. À Strasbourg, comme ailleurs en France, nous subissons les gels de postes d’enseignants partis en retraite. Comment accepter que ces postes d’enseignants-chercheurs soient une variable d’ajustement budgétaire ? C’est toute notre mission de service public de recherche et de formation des étudiants qui en pâtit.
Mais n’est-ce pas là l’effet d’une politique nationale qui n’a pas énormément de moyens ?
La politique nationale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche est une politique d’austérité qui effectivement ne favorise pas les programmes de recherche sur le temps long et le développement de l’emploi scientifique par le recrutement de nos jeunes chercheurs. Ce déficit d’enseignant-chercheurs pénalise d’une part les formations qui accueillent des étudiants de plus en plus nombreux et, d’autre part, les programmes qui ont besoin d’enseignants-chercheurs fonctionnaires pouvant s’investir sur des programmes dans la durée. Cependant, même si elles sont faibles, nous avons des marges de manœuvre pour affecter une partie de nos ressources à la réalisation de nos objectifs propres en fonction de choix politiques. Ainsi, à l’Université de Strasbourg, on peut par exemple observer des dépenses exagérées en communication, en primes des président et vice-présidents ainsi qu’en « frais de bouche ». Il faut réaffecter ces ressources à nos missions, l’enseignement et la recherche, qui doivent être au cœur de l’université de demain.
Vous enseignez à la Faculté des sciences du sport. Qu’espérez-vous changer avec Alternative 2017 ?
La Faculté des sciences du sport, comme de nombreuses composantes de l’université, voit ses effectifs augmenter du fait d’une demande sociale grandissante. Nous avons un déficit chronique d’enseignants, d’enseignants-chercheurs, d’ATER et de personnels IATSS, alors même que nos effectifs étudiants sont en augmentation régulière depuis 5 ans. Victimes de notre succès, nous sommes contraints de fixer une capacité d’accueil en 1ère année de 500 étudiants et d’avoir recours au tirage au sort. Lorsque j’étais doyen de la Faculté des sciences du sport, je m’étais fermement opposé à cette loterie, inadmissible pour des lycéens dont le projet est – de longue date – de réaliser des études en sciences du sport. Étudiants en régime « normal », athlètes de haut niveau, salariés, chargés de famille, étudiants en situation de handicap… nous devons pouvoir tous les accueillir et leur transmettre les connaissances scientifiques et technologiques les plus récentes et actualisées sur les activités physiques et sportives. Par ailleurs, je déplore la baisse progressive du nombre d’étudiantes en 1ère année. Cette faible représentation reflète les représentations dominantes du monde des sports qui reste fortement masculin, notamment lorsqu’on accède aux postes à responsabilité. C’est l’un des rôles d’une Faculté des sciences du sport et d’une université que d’agir sur cette inégalité qui perdure. Du 1er cycle universitaire au doctorat, il est important d’accompagner les étudiant-e-s dans leurs ambitions, sans oublier que nous formons aussi des adultes citoyens et responsables.
Avez-vous un message particulier à adresser aux électeurs ?
Une élection universitaire est un moment important de démocratie et de débat sur l’avenir de notre université, de nos formations et de nos unités de recherche. Ne partez pas dans l’idée que les jeux sont faits et qu’il faudrait se résigner à la poursuite de la politique menée depuis 8 ans. Le débat et les échanges ne peuvent qu’être positifs.
L’université de Strasbourg a obtenu en 2011 un financement dans le cadre des Initiatives d’excellence (IdEx – Programme Investissements d’avenir) dont le but est de créer en France des ensembles pluridisciplinaires d’enseignement supérieur et de recherche « de rang mondial ». L’IdEx ayant été confirmée en avril 2016, notre université bénéficiera sans limitation de durée des financements annuels qui nous avaient été accordés lors de la sélection initiale, soit 25,6 millions par an. Par cette IdEx, l’Université de Strasbourg s’est fixée l’objectif de renforcer l’excellence en recherche et de développer l’innovation et l’interdisciplinarité dans les formations. |