Bilan Ressources Humaines

Une procédure collégiale pour une stratégie partagée et responsable, ou bien la politique des petits arrangements ?

La politique de recrutement des enseignants-chercheurs se base sur une procédure appelée dialogue de gestion, qui dure une année pleine.

  1. La première étape consiste à collecter les demandes de postes des composantes. Chaque composante a toute latitude sur la manière d’établir ces demandes. Un dialogue s’engage généralement entre la direction de la composante, les départements, les unités de recherche et la direction de l’université.
  2. La seconde étape consiste en un arbitrage interne de la Vice-Présidence Ressources Humaines afin d’accepter ou refuser chaque demande de poste, sans présenter de motivation officielle.
  3. Ensuite, ces arbitrages sont présentés à la Commission des Emplois, émanation du Comité Technique d’Établissement (CTE), pour avis global sur la base de la liste des postes demandés et des avis, sans connaissance des dialogues en amont.
  4. Puis le CA avalise la liste des postes acceptés, et ces derniers sont présentés au concours.
  5. Enfin, un bilan de la campagne est présentée en CTE et en CA.

Cette procédure est héritée de l’ex-ULP, avant les Responsabilités et Compétences Élargies (RCE), – mais c’était avec un travail collectif plus développé de la commission des emplois et dans un contexte budgétaire et social différent. À l’échelle de l’université fusionnée, avec 37 composantes, 72 unités de recherche et 34 services centraux, elle empêche toute compréhension globale par les personnels et même par des directeurs d’unité et de composantes, pour lesquels la politique RH se limite à une forme de négociation avec la vice-présidence « Ressources Humaines », la Direction Générale des Services et le 1er vice-président.

Dans un contexte budgétaire contraint, cette procédure tend à instaurer un climat de défiance : défiance entre équipes d’une même unité se sentant lésées, défiance entre composantes privées de dialogue entre elles.

Cette procédure est justifiée par l’incapacité supposée des collègues de collaborer, ce qui dénote d’une haute opinion à leur égard, alors que la phase d’arbitrage pourrait être élargie.

Ainsi, Michel Deneken, premier vice-président, vice-président Formation initiale et continue, estime notamment « qu’un débat à 37 composantes sera la foire d’empoigne et infructueux. » (cf PV du Congrès 17/03/2014, p. 13).

À tout le moins, elle n’empêche structurellement pas le clientélisme; elle est même propre à le favoriser.

Une plus grande liberté dans la définition de la politique d’emploi des composantes, ou une politique de fuite en avant face aux contraintes budgétaires ?

Le nombre de postes mis au concours dépend d’un levier et d’une contrainte. La contrainte est la « maîtrise de la masse salariale » dans « un contexte budgétaire contraint » (cf. toutes les Lettres d’Orientations Budgétaires, par exemple la LOB 2015), qui ne relève pourtant pas des lois de la nature mais de choix politiques. L’unique levier a été le nombre de départs à la retraite, en forte baisse suite aux réformes successives des deux dernières décennies

Depuis la fusion, et malgré l’absence de stratégie globale, on peut remarquer en premier lieu une baisse sensible du nombre de postes mis au concours, essentiellement sous la pression des gels de postes conjuguée au faible nombre de départs à la retraite.

La baisse dramatique du nombre de postes de MCF mis au concours en 2013 s’explique par une stratégie de « maîtrise de la masse salariale » qui a consisté à ouvrir essentiellement des postes de PU en 46-3 (promotion interne), qui ne coûtent pratiquement rien à l’établissement à court terme. Pour compenser la perte sèche en termes de services que représente cette stratégie, le nombre de poste second degré (dont le service est le double de celui des MCF) a été clairement augmenté, ainsi que le nombre de contrats précaires (ATER, missions d’enseignements) « simples et rapides » (cf. PV du Congrès 30/06/2015, p. 11)

De fait, ce sont les postes de MCF qui ont été sacrifiés entraînant une modification profonde de la démographie des personnels, par exemple une moyenne d’âge des MCF augmentant de 8 mois en un an sans qu’elle n’ait été prévue ni maîtrisée.

 

Maintenir les missions ou maintenir l’offre de formation ?

 

Sur 5 ans, les effectifs BIATSS sont restés stables malgré le développement des services centraux (au nombre de 26, plus 8 rattachés à la présidence selon les bilans sociaux de l’Université), ce qui ne peut se faire sans éloigner l’administration des composantes et unités de recherche, donc des missions.

Sur 5 ans, on peut noter une hausse de plus de 10% des étudiants. Incontrôlable, et étonnamment dénuée de prévisions, cette hausse est bien souvent exagérée dans la communication politique officielle. Ceci a l’avantage de masquer les dégradations des conditions de travail qui, elles, sont dues aux décisions politiques : il a été décidé une baisse de presque 5% des effectifs enseignants. Pour maintenir l’offre de formation, après une réduction radicale des heures complémentaires, il a été décidé de développer les contrats précaires. Mais, si les heures sont assurées, le potentiel recherche et l’encadrement pérenne des formations ont été considérablement affaiblis.

Sans changement de politique, cette tendance va durablement s’installe, la charge des collègues titulaires ne va cesser de croître, avec les symptômes inévitables tels que les congés maladies en augmentation de 25% entre 2014 et 2015 sans que la direction ne s’en alarme.

Soutenabilité des missions ou soutenabilité financière ?

 

Alors que le taux de réussite aux concours oscille entre 25% et 55% pour les PU, il évolue entre 3,7% et 2,4% pour les MCF (en réalité 1,5% si on exclut les MCF contractuels).

Les postes de MCF ne représentent pas seulement un potentiel d’enseignement et de recherche, un renouvellement des thématiques et pratiques au plus proche des attentes et des besoins de nos étudiants. Ils représentent aussi une perspective de carrière pour les docteurs. L’attractivité du doctorat dépend directement du taux de réussite au concours. C’est la capacité de l’Université à former de nouveau enseignants-chercheurs qui est aujourd’hui menacée par cette politique court-termiste guidée exclusivement par l’urgence budgétaire, et de nombreux domaines connaissent aujourd’hui des difficultés critiques pour recruter des doctorants.

Percevoir les recrutements comme une menace pour la soutenabilité constitue en fait une menace pour la soutenabilité des missions de l’Université à moyen terme, sans que personne n’en assume la responsabilité.

Conclusion

Usant d’une méthode inadaptée issue d’un monde pré-RCE (Responsabilité et Compétences Elargies), dans un contexte budgétaire différent, notre Université n’a pas su profiter d’« une plus grande liberté dans le domaine de la structuration de son stock d’emplois » (cf. Note de cadrage DG 2015 Commission des Emplois).

Communiquant exclusivement sur des considérations budgétaires, la présidence sortante a fait le choix de favoriser les promotions internes sélectives et la précarité, au détriment du recrutement de jeunes docteurs.

Restée sourde aux demandes répétées de réforme de cette procédure, restée muette sur ses conséquences, elle est surtout aveugle aux moyens qui auraient dû être employés, se cantonnant à geler des postes lors des rares départs à la retraite au lieu de dégager de nouveaux moyens pour atteindre le plafond d’emploi fixé par le ministère, quitte à modérer les activités qui ne sont pas le coeur de métier de l’université.