Hélène Michel est professeure de science politique à l’IEP de Strasbourg et directrice de l’UMR 7363 SAGE (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe).
Après une formation pluridisciplinaire en sciences sociales (philosophie, économie, sociologie), elle a réalisé sa thèse de doctorat en science politique à l’EHESS. Spécialisée sur la sociologie politique de l’Union européenne, elle travaille sur l’activité des groupes d’intérêt (entreprises, ONG, organisations syndicales et patronales). Elle a enseigné en lycée comme agrégée de sciences sociales, a été Maître de conférences à l’Université Robert Schuman de Strasbourg, puis à l’Université Lille 2, avant d’être affectée professeure à l’IEP de Strasbourg en 2009. Elle est membre junior de l’IUF. Depuis octobre, elle co-dirige un projet ANR sur les conflits d’intérêt et la transparence dans le domaine du médicament. Page professionnelle
« Pour donner un nouveau souffle à l’Université de Strasbourg »
Pourquoi avez-vous rejoint Alternative 2017 ?
Pour donner un nouveau souffle à l’Université de Strasbourg. Après la fusion des trois universités strasbourgeoises, après l’obtention et la reconduction de l’Idex, il est temps de donner une nouvelle impulsion. Dans notre environnement international très compétitif, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Sinon, nous faisons du sur-place et nous régressons.
Vous voulez tout changer ?
Non. Nous voulons faire ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent et qui n’est toujours pas proposé par le président par interim sortant et ceux qui le soutiennent : faire confiance aux chercheurs, enseignants-chercheurs, administratifs pour qu’ils puissent réaliser leur mission et leur donner le moyen de le faire. Les directeurs de laboratoire et de composantes ne peuvent pas se contenter d’être la courroie de transmission de décisions imposées d’en haut. Les collègues en ont assez d’être pressurisés par ces décisions de restrictions budgétaires et de gels des postes.
Mais le budget n’est-il pas contraint ?
Si, mais beaucoup de dépenses sont faites inutilement, à commencer par les dépenses de communication qui ont pris une importance démesurée. Il faut certes communiquer mais pas au détriment de nos missions essentielles : produire et transmettre des connaissances. Il y a d’autres dépenses tout aussi inutiles, quoique moins immédiatement visibles, que nous pourrions éviter et réaffecter à ces missions.
Prenons l’exemple des appels à projet internes de la Commission de la recherche de l’université ou des appels Idex. Les collègues montent un dossier. Puis leurs dossiers sont expertisés par le conseil de l’unité de recherche, qui a préalablement sollicité des avis extérieurs et des avis internes. Le conseil classe les projets qui sont réceptionnés par la Direction de la recherche, puis envoyés au directeur de chaque collegium. Les membres du collegium évaluent à nouveau des dossiers, se réunissent et proposent un interclassement. Chaque représentant de collegium se retrouve enfin dans une réunion pour faire une proposition générale à la Commission de la recherche pour financer des projets. Combien coûte ce processus de montage, d’évaluation et de classement des projets ? En etp administratif, en % de temps de travail d’enseignant-chercheur ou de chercheur ? Ces temps de travail pourraient être mieux employés. Si on augmentait les dotations des unités de recherche, elles pourraient assurer directement cette distribution de fonds en fonction de leurs priorités scientifiques. Surtout quand la distribution revient à distribuer entre 1000 et 3000 € à chacun, comme pour l’appel à colloques. Il en est de même avec la politique dite d’attractivité pour aider les nouveaux entrants à l’université à s’installer dans le métier. Pourquoi faire tout ce travail de montage, d’évaluation des projets avec la mobilisation de collègues d’ici ou d’ailleurs, et de classement ? Ne pourrait-on pas tout simplement décider que les nouveaux entrants ont un budget pour démarrer ?
C’est ce que vous appelez « la présomption d’excellence » ?
Oui. Devenir chercheur ou enseignant-chercheur est très difficile. Les concours sont très sélectifs et ce, de plus en plus avec la raréfaction du nombre de postes. En science politique c’est environ 60 candidats pour 1 poste au profil étroit, en sociologie avec un profil généraliste c’est 120 candidats pour 1 poste. Les collègues recrutés sont brillants : ils ont soutenu une thèse remarquée, ils ont poursuivi par des post-doc dans les meilleurs laboratoires, ils ont des publications de très grande qualité, ils ont obtenu de nombreuses distinctions. Ne peut-on pas leur faire confiance et leur donner d’emblée, via leur unité de recherche, les moyens financiers et humains pour mener leur recherche et pour effectuer leurs enseignements ?
Vous voulez remettre en cause la logique de l’appel à projet ?
Cette logique existe et nous y sommes contraints. Tous, nous nous efforçons de répondre aux différents appels nationaux, européens ou internationaux. Mais à l’échelle de l’université, nous pourrions au moins œuvrer à en limiter les effets les plus dommageables plutôt que de les accentuer. Outre le coût administratif et la perte de temps que ces appels engendrent, ils contribuent à exacerber la concurrence entre les collègues entre les laboratoires, entre les composantes. Cette mise en concurrence est délétère. Elle est contre productive et elle mine les collègues. Nous avons besoin de coopération pour être plus forts, ensemble, face à une concurrence mondiale qui s’accroît.
N’êtes-vous pas un peu jeune pour briguer une fonction présidentielle?
Faut-il attendre d’être vieux ? En mai dernier, les collègues de l’Université de Lyon 2 ont élu une professeure de 42 ans comme présidente. Ce n’est pas une question d’âge mais d’ambition pour l’université, à bien distinguer de l’ambition personnelle.
Il faut aussi de l’expérience, non ?
Alternative 2017 est composée de collègues qui ont siégé dans les conseils centraux, qui ont été à la tête de composantes, d’unités de recherche ou de laboratoires. Nous connaissons les dossiers. Nous avons aussi une expérience dans les instances nationales et internationales. Pour ma part, je suis directrice d’une grosse UMR en SHS, et aussi membre du Conseil scientifique de l’InSHS ce qui me donne une bonne connaissance du CNRS. Et comme de nombreux collègues d’Alternative 2017, j’ai eu la responsabilité de diplômes, j’ai travaillé à la mise en place et à la refonte de maquettes et de formations à destination des étudiants. Et il ne faut pas oublier le rôle des équipes administratives, dans les services centraux et dans les composantes, qui font un travail important insuffisamment valorisé.
Surtout, nous avons tous une expérience quotidienne de la recherche, de l’enseignement, du travail au sein des laboratoires, au plus près des personnels administratifs et des étudiants, depuis la 1ère année jusqu’au doctorat. Ce contact avec la réalité, on le perd vite quand on reste trop longtemps aux affaires et que l’on ne fréquente plus que les directeurs et directrices d’unités de recherche ou de composantes.
Vous enseignez à l’IEP qui est une composante bien particulière de l’Université. Votre vision de l’enseignement universitaire n’en est-elle pas biaisée ?
L’IEP est une composante particulière, la Faculté des sciences sociales est une composante particulière, la Faculté de droit est une composante particulière, l’école de journalisme (le CUEJ) est une composante particulière. Je pourrais continuer pour l’ensemble des 37 composantes de l’Université. Chaque composante a sa particularité qui est le résultat de son histoire et de ses disciplines et qui dépend des formations qu’elle propose. Inutile d’essayer d’uniformiser les composantes, leurs objectifs et leurs pratiques, leurs modalités d’accueil des étudiants. L’objectif principal est que ces composantes aient les moyens de répondre aux différents enjeux auxquels elles sont confrontées dans leur domaine spécifique. Dans la plupart des composantes, il manque des enseignants-chercheurs titulaires, des ATER et des chargés de TD pour pouvoir donner aux étudiants les conditions nécessaires à leurs années d’étude. Le nombre d’étudiants augmente, de nombreux postes d’enseignants-chercheurs sont toujours gelés, et les collègues en poste ont des services d’enseignement de plus en plus lourds. Les effectifs des groupes de TD augmentent, le nombre de postes d’ATER diminue. Le recours aux enseignants vacataires est de plus en plus fréquent. Et même s’ils font bien leur travail, ces personnes temporaires ne peuvent assurer le suivi nécessaire des étudiants. Les composantes doivent pouvoir offrir aux étudiants qu’elles accueillent des formations de qualité et de bonnes conditions de travail. Chaque étudiant déçu par l’université est un échec, pour lui, pour nous. Or, nous pourrions accueillir mieux les étudiants, nous pourrions mieux les aider à devenir des citoyens émancipés, des professionnels responsables, capables de construire la société de demain.
On dit que les collègues électeurs ont peur de l’inconnu et préfèreront voter pour une équipe qu’ils connaissent déjà.
Explorer l’inconnu fait partie de nos métiers de chercheurs, tout comme nous adapter à de nouveaux publics et nouveaux enjeux dans nos activités d’enseignants. Donc non, je ne pense pas que les collègues aient peur de l’inconnu. La question qu’ils se posent est de savoir si une nouvelle équipe leur permettra de poursuivre leurs travaux de recherche, leur permettra d’explorer de nouveaux territoires, avec des moyens suffisants, et avec la liberté et la confiance qui doivent accompagner leur activité. Avec Alternative 2017, la réponse est clairement ‘oui’. Et il n’y aura pas de mise à l’écart de quiconque n’a pas pu soutenir publiquement nos listes. Nous avons besoin du concours de toute la communauté universitaire et pas de divisions stériles.
Avez-vous un message particulier à adresser aux électeurs ?
Ne vous désintéressez pas de ces élections qui vont décider de la politique pour les 4 ans à venir. Choisissez l’université que vous voulez et que vous méritez. Votez pour les candidats d’Alternative 2017.