Lettre aux administrateurs de l’Université de Strasbourg

Mesdames et Messieurs les administrateurs,

Nous sommes convoqués mardi 21 janvier par le président Deneken pour un Conseil d’administration consacré principalement à l’adoption d’un « schéma directeur immobilier » (SDI) pour l’université de Strasbourg. Ce point peut paraître anodin, alors que les personnels seront particulièrement touchés par la réforme des retraites, alors que la LPPR (Loi de programmation pluriannuelle de la recherche) risque de modifier profondément l’enseignement supérieur comme nos statuts, alors que les étudiants de l’AFGES interpellent le Congrès sur l’urgence des mesures à prendre contre le réchauffement climatique. C’est cependant d’une orientation majeure de l’avenir de l’Université de Strasbourg qu’il nous est demandé de décider.

Par ordre croissant d’importance, trois éléments principaux du document méritent attention :

  • – la programmation d’OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES spécifiques. Le caractère provocateur de certaines d’entre-elles – telles les privatisations du rez-de-jardin du Palais-Universitaire et du bâtiment de l’Institut de physique – ne doit pas masquer les éléments plus importants du dispositif envisagé, qui sont les suivants,
  • – la DÉVOLUTION DU PATRIMOINE. Elle correspond au transfert par l’État de la pleine propriété et de la pleine responsabilité des biens immobiliers à l’Université de Strasbourg qui en disposera à sa guise, pour les vendre éventuellement, et devra en assumer toutes les charges afférentes, telle que l’assurance des bâtiments,
  • – la CRÉATION DE FILIALES de l’Université de Strasbourg, à qui sera confiée la gestion des biens immobiliers et les activités commerciales associées. En effet, la simple vente des quelques villas de la Neustadt dont la cession est envisageable ne justifie pas une opération de dévolution. Afin de valoriser plus profondément le patrimoine et de créer de nouveaux moyens financiers, il est envisagé que l’université se dote des outils de gestion commerciale nécessaires.

Ce dernier point est le plus critique. Il constitue un choix majeur pour l’avenir. On risque premièrement de dévoyer une Université qui voudra devenir un acteur économique au lieu de se consacrer à l’enseignement et la recherche. Deuxièmement, dans la continuité du processus le transfert de compétence de la LRU, la gestion de l’université va devenir plus complexe et sa maîtrise sera réservée à des spécialistes, intégrés dans des services administratifs renforcés. La gestion démocratique de l’Université centrée sur les missions d’enseignement et de recherche définies par les enseignants-chercheurs avec les personnels biatss et les étudiants sera mise en péril et une gouvernance imposée de l’extérieur se développera sur le modèle déjà en vigueur dans d’autres pays. Enfin, l’État va se désengager financièrement en poussant l’Université à assurer ses propres financements à travers la valorisation programmée de son patrimoine immobilier et le développement d’activités commerciales qui lui seront liées.

Le SDI, proposé par la société COS pour un coût de 400.000 €, ne présente pas de liste claire des points qu’il nous est proposé d’adopter. Le processus menant à la dévolution est enclenché sans qu’apparaisse, comme cela avait été promis initialement par la présidence, une solution alternative vers laquelle pourrait se porter notre choix. En effet, la proposition de délibération est formulée de la manière suivante :

« Le Conseil d’administration de l’Université de Strasbourg approuve le projet de Schéma directeur immobilier (SDI) portant sur la période 2022-2042 et l’engagement de négociations avec les ministères concernés en vue d’étudier la candidature de l’établissement à la dévolution du patrimoine, cette hypothèse étant intégrée dans ce SDI. »

Nous sommes appelés à une décision très imprécise, qui valide en bloc l’ensemble des 180 pages d’un document comportant énormément d’éléments, pour certains très discutables, et qui engage l’Université de Strasbourg pour les prochaines décennies. Voulons-nous une université qui s’épuise dans une quête vaine de moyens et d’outils financiers qu’elle ne pourra maîtriser, comme dans des activités immobilières et commerciales l’entrainant hors de ses missions académiques, l’enseignement et la recherche ? Notre responsabilité d’administrateurs est donc engagée et nous ne pouvons voter un tel changement de paradigme en croyant naïvement adopter un simple plan pluriannuel d’investissements immobiliers.

Dans un contexte où nous peinons à obtenir de la présidence une vision transparente des outils financiers liés aux PIA et aux fondations associées à notre l’université, dans un contexte où l’enquête menée récemment montre le malaise qui règne au sein des personnels, nous vous proposons par conséquent d’adopter, lors de la séance du Conseil d’administration, les décisions suivantes concernant le point 3.2 de l’ordre du jour :

  • Afin d’éviter que chaque ligne du document proposé dans son état actuel prenne valeur de décision qu’il aura votée, le CA demande à sursoir à l’adoption du SDI en attendant que lui soit fourni par la société COS une synthèse détaillant point par point chaque décision concrète proposée.
  • Le CA repousse toute décision concernant une éventuelle dévolution du patrimoine jusqu’à ce qu’un scénario alternatif soit effectivement proposé, comme cela avait été décidé par le CA.
  • Le CA refuse tout engagement de l’université de Strasbourg dans un processus de filialisation de ses activités. Il limitera explicitement l’objet de sa délibération à un schéma directeur immobilier, en excluant toute décision qui autoriserait l’université à s’engager dans la commercialisation de locaux à travers la création de filiales.

Avec nos sentiments les meilleurs

Les élus de la liste Alternative au Conseil d’administration


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