Bilan formation

Analyse critique et argumentée de la politique de formation de l’équipe présidentielle sortante par les soutiens à Alternative 2017

Une politique de formation « soutenable » versus une politique de formation ambitieuse

La politique « subtilement » mise en œuvre à la CFVU ne peut être comprise sans en connaître le cadre de réflexion (1), ni sans évoquer l’effort de réduction par la suppression de 80.000 heures complémentaires conduite selon de pures logiques budgétaires (2).

1/ Le cadre de réflexion

Deux clivages existent dans notre communauté et se reflètent parmi les membres de la CFVU. Ces clivages explicitent les politiques menées par les instances gouvernantes de l’Université sans pouvoir être débattus à la CFVU et dans les autres conseils centraux.

Clivage n°1 : « L’étudiant est prédestiné » versus « l’étudiant construit son avenir via un cheminement imprévisible »

Si l’étudiant est prédestiné, son orientation peut être optimisée.  Il est responsable de son échec. Pour optimiser le taux de réussite, il suffit de :

  1. Détecter les étudiants qui ne peuvent pas « par essence » réussir et leur refuser leur inscription. Ce type de raisonnement conduit par exemple à refuser l’inscription des bacheliers professionnels.
  2. Mettre en place des outils permettant de faire un bilan de compétence individuel et d’orienter les étudiants en fonction de ce seul bilan individuel. Cela justifie une politique pédagogique conduisant à une forte évaporation de néo bacheliers provenant principalement des filières pro et technologiques. Cela implique aussi la mise en place d’une politique d’évaluation continue intégrale adaptée à un groupe spécifique d’étudiants (pour réussir, il est préférable pour l’étudiant de ne pas être salarié, d’être un bachelier de la filière générale, d’être dans une composante ayant un bon taux d’encadrement…).
  3. Justifier le contingentement d’étudiants en considérant que les formations ne peuvent recevoir l’ensemble des étudiants ayant souhaité suivre cette formation. Implicitement, une « bonne orientation individuelle » devrait permettre de résoudre cette insuffisance de capacité d’accueil de 8 de nos composantes (particulièrement, STAPs et Droit) et il n’est pas nécessaire de réorienter les moyens.
  4. Mettre en place une politique d’optimisation des outils pédagogiques pour améliorer la productivité de l’enseignant. Cela évite de développer une pédagogie adaptée à la diversité des populations étudiantes.
  5. Considérer qu’il existe un groupe d’étudiants potentiellement excellents qu’il faut attirer à l’Université en leur proposant des filières d’excellence. Ce groupe d’étudiant, dit « à forte capacité » dans le plan stratégique de développement de l’Université 2018-2022, fait d’ailleurs l’objet de plusieurs attentions spéciales, dont des doubles diplômes à même d’affaiblir la valeur des « simples » diplômes.

Si à l’inverse, l’étudiant, pour devenir un professionnel autonome et un citoyen émancipé, suit un cheminement en grande partie imprévisible, alors l’Université accompagne ce cheminement et aide l’étudiant à faire émerger d’autres avenirs possibles. Pour cela, il faudrait :

  1. Affecter des moyens sur le premier semestre du L1
  2. Accroître les passerelles entre formations en considérant que l’échec est un outil positif de réorientation et non pas une tache indélébile dans son parcours universitaire.
  3. Faire en sorte que l’Institut de Développement et d’Innovation Pédagogiques (IDIP) soit véritablement un lieu d’innovation pédagogique pour trouver des modes d’intégration de la diversité des populations étudiantes et non pas un supermarché de rustines pédagogiques destinées à améliorer la productivité des enseignants.
  4. Ajuster les modes d’évaluations à la diversité des étudiants et mettre en place les moyens nécessaires pour que l’évaluation accompagne l’évolution des étudiants et ne soit pas une forme de calibrage éducationnel.

La politique qui nous a été proposée pendant 4 ans s’est inscrite dans le postulat de la première ligne :  une pensée de prédestination de l’étudiant.

Cette politique n’a pas été évaluée et nos demandes de bilan, en particulier pour l’Évaluation Continue Intégrale (ECI), n’ont jamais été satisfaites.

Il faut craindre une amplification de cette politique dans le cas de l’élection de M. DENEKEN comme président de l’Université.

Clivage 2 : A la sortie de l’université, « l’étudiant doit être employable » versus « l’étudiant doit devenir un professionnel autonome et responsable et un citoyen émancipé »

Favoriser l’employabilité des étudiants implique pour l’université de favoriser une offre de formation définie en fonction des besoins à court terme des entreprises localisées dans le bassin d’emploi.

Une telle politique conduit à :

  1. Mettre en place une politique de professionnalisation des licences favorisant la licence professionnelle.
  2. Ne pas favoriser la poursuite des études en master pour proposer des masters par alternance et par apprentissage.
  3. Supprimer progressivement les parcours recherche en master.
  4. Encourager largement  les possibilités d’obtention du doctorat par la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE).

Cette vision conduit par essence à une politique de baisse des crédits pédagogiques (20% pour toutes les composantes de notre Université). Les composantes qui ne peuvent aisément obtenir des ressources externes en sont le plus gravement affectées.

Cette politique est amplifiée par une demande de « soutenabilité » dans la construction de l’offre de formation, et ce, d’autant plus qu’elle est accompagnée d’une diminution de 7 % du nombre d’enseignants et d’enseignants-chercheurs et d’une augmentation de 10 % du nombre d’étudiants depuis 2009.

C’est cette politique qui a été menée par l’équipe gouvernante de notre Université sans qu’il ait été possible d’en débattre ni au sein de la CFVU ni en congrès. À moyen et long terme, on peut craindre un délitement progressif de la recherche fondamentale au détriment de la recherche partenariale.

L’orientation et l’insertion professionnelles font partie des missions de l’Université. Il est nécessaire de penser cette mission en articulation avec la formation initiale et continue de manière à ce que les étudiants puissent s’adapter rapidement au marché du travail en constante évolution. Cycles courts  et cycles longs d’étude doivent ainsi se compléter pour offrir aux étudiants des formations diversifiées en lien notamment avec la diversité des domaines de recherche de notre université et l’évolution des emplois.

2/ Réduction des heures de cours en présentiel

L’équipe présidentielle, sous la pression du rectorat qui souhaitait qu’un effort de reconstitution des fonds de roulement de l’université soit conduit, a choisi de faire des coupes sombres dans les heures de cours délivrées par l’université. Pour donner un ordre de grandeur, l’université de Strasbourg délivre environ 650.000 heures d’enseignement par an et l’effort de réduction devait porter sur 80.000 heures, soit environ 15%. Le Premier VP, Michel Deneken a suivi de très près le dossier et il a été l’un des principaux artisans de cette opération.

La réduction des heures, en diminuant les besoins d’enseignant à placer devant les étudiants, est l’équivalent pour l’Université d’un plan social doux : il ne reste plus qu’à attendre les départs à la retraite pour constater ensuite que les besoins d’heures d’enseignement ayant chutés, il n’est pas nécessaire de pourvoir au remplacement immédiat des partants. D’où la possibilité de réaliser des gels de postes ou voire des suppressions dans certaines discipline.

Cet effort de réduction –  dont la pertinence intrinsèque peut être sérieusement discutée par ailleurs – a été conduite sans le minimum de rationalité souhaitable. Le ministère ayant souhaité que soit connu le « coût de l’offre de formation » de chaque diplôme, l’université disposait donc d’une cartographie des formations les plus « coûteuses », c’est-à-dire pour l’essentiel celles qui mobilisaient un nombre d’enseignants important pour une nombre d’étudiants réduit. Cependant ces cours en effectifs réduit (souvent des options ou des enseignements de spécialisation) ainsi que leurs formations (généralement en M1 et M2) étaient fortement défendus par leurs enseignants qui y trouvaient un intérêt intellectuel supérieur et des conditions de travail plus confortables. Par ailleurs ces cours en petits effectifs étaient inégalement distribués entre les composantes ; les composantes dont les effectifs étudiants étaient en augmentations en comprenaient moins que d’autres dont les effectifs stagnaient. Il était donc politiquement très délicat d’opérer les coupes dans l’offre de formation prioritairement dans les M1 et M2 et avant tout dans certaines composantes. Pour limiter les mécontentements, Alain Beretz et Michel Deneken ont donc décidé de demander à toutes les composantes le même effort de 15% de diminution des heures complémentaires, à charge pour les directeurs d’UFR de déterminer où ces coupes devraient être opérées. La quasi totalité des composantes ont choisi d’alléger les volumes horaires des travaux dirigés ou de permettre l’accroissement de leurs effectifs par réduction du nombre des groupes de TD prévus. C’est donc sur les enseignements qui permettent le mieux de suppléer au faible taux d’encadrement des universités et ceux qui sont les plus réclamés par les étudiants qu’ont prioritairement porté  les coupes. Les effets négatifs des logiques de réductions budgétaires apparaissent ici clairement par leur irrationalité et leurs résultats clairement contre-productifs pour la qualité des formations délivrées.