Stéphane Viville

Stéphane Viville est professeur à la Faculté de médecine de Strasbourg et praticien hospitalier spécialiste de la biologie de la reproduction. Il a créé, à Strasbourg, le premier centre de diagnostic pré-implantatoire en France. Il a été chef de service du laboratoire de fécondation in vitro entre 2004 et 2011. Il est actuellement responsable, au sein des HUS, de l’unité fonctionnelle de diagnostic génétique de l’infertilité dans le service de génétique. Ses recherches concernent la génétique de l’infertilité. Il est très impliqué dans le fonctionnement de la société européenne de médecine et de biologie de la reproduction (ESHRE, la plus importante société savante dans le domaine) depuis de longues années. Page professionnelle

« Pour changer la logique de gestion entrepreneuriale de notre université »

Pourquoi avez-vous rejoint Alternative 2017 ?

Pour élaborer un projet alternatif à ce qui nous est proposé depuis de trop longues années. Afin d’essayer de rendre plus attractive notre université, aussi bien pour les enseignants-chercheurs que pour les étudiants, afin d’améliorer également les conditions de travail de tous. Nous sommes actuellement dans une logique de gestion entrepreneuriale de notre université. Il nous faut changer cette logique.

Quelle est votre vision de l’université ?

L’université est un bien commun à tous, à toute la société, elle a pour mission la formation et la recherche, ou encore l’élaboration de savoirs et leur transmission. L’université n’est pas une entreprise, elle n’a donc pas à être rentable au sens économique du terme. Elle est rentable sur le long terme, car elle génère plus de savoirs, elle contribue à plus de cultures et transmet ces savoirs et ces cultures. Toutes choses sur lesquelles il est difficile de mettre des chiffres et encore plus des euros. Il y a un lien très étroit entre culture et savoir. Le savoir et la culture constituent un patrimoine national.

Pourtant, la question des moyens reste essentielle.

Oui. Pour l’instant, l’autonomie des universités est conçue avec des moyens très limités, ceci malgré l’Idex. Cet état de fait est incontestable, mais il n’empêche pas de penser une nouvelle politique pour notre université. Il y a des priorités à changer, des choix politiques à assumer. En particulier cela devrait concerner les budgets de communication et de réception, qui sont tous deux trop importants. L’utilisation des moyens de l’Idex doit aussi être repensée.

Comme l’autonomie ?

En effet, qu’est-ce qu’une université autonome si cela ne concerne que la gestion de ses finances, finances réduites par ailleurs au minimum ? L’autonomie doit s’entendre aussi au niveau de l’organisation des formations et de la recherche. Or, une politique liberticide est en cours depuis bien trop longtemps. La transdisciplinarité, la pluridisciplinarité sont des éléments intéressants à développer, mais pourquoi les imposer ? Laissons les chercheurs travailler et explorer de nouveaux territoires. C’est dans ces conditions que nous pouvons espérer voir des nouveaux concepts émerger.

C’est ce que vous prônez pour la recherche ?

Concernant la recherche, les chercheurs doivent retrouver leur liberté de penser, de créer, de prendre des risques. C’est la liberté de penser qui permet les plus grandes avancées scientifiques. C’est exactement ce que prône Jean-Pierre Sauvage, notre dernier prix Nobel.

Depuis de trop nombreuses années, il s’est mis en place un système pervers de contrôle de l’activité des chercheurs. Ceux-ci ont de moins en moins le choix des sujets qu’ils souhaitent aborder. Pourquoi imposer des thématiques de recherche via des appels d’offre thématisés ? De plus, nous avons un impératif de rendement économique et, de plus en plus à court terme. La mise en place du financement de la recherche par appels d’offre, au détriment des financements récurrents, présente de très gros inconvénients. Il faut trouver une balance entre les deux qui  autorise chacun à travailler dans la sérénité.

La crise qu’a vécue l’IGBMC (Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire) durant le dernier mandat d’Alain Beretz illustre parfaitement mes propos. La nomination d’un directeur ultra élitiste, soucieux avant tout de son intérêt personnel, a conduit à une politique clientéliste générant un mal-être insupportable au sein du personnel de l’IGBMC. La crise qui en a résulté a été largement sous-estimée par la direction de l’Université de Strasbourg qui a mis 18 mois à prendre une décision, au risque de mettre en péril la survie de l’IGBMC, dont un grand nombre d’équipes sont entre-temps parties. Les effets néfastes de cette crise se font encore sentir aujourd’hui.

Il en va de même pour la création du CRBS (Centre de recherche en biomédecine de Strasbourg) qui s’est fait dans l’opacité complète. C’est un projet qui a plus 20 ans avec de multiples rebondissements. Il a été porté en dépit de tout bon sens. Il a été d’abord décidé de construire un bâtiment et c’est seulement après que s’est posée la question des équipes qui y travailleraient. Il n’a donc pas été possible de prendre en compte les besoins spécifiques de chacun. Aujourd’hui, alors que le bâtiment doit ouvrir fin 2017, nous ne savons toujours pas officiellement quelles équipes doivent rejoindre cet institut. Le recrutement s’est fait dans une opacité complète, sans appel d’offre, sans concertation. En dehors de l’équipe dirigeante de la Faculté de médecine, qui a pris part aux décisions ? Cela s’est-il fait sans concertation avec l’Université de Strasbourg ? Il semble que la direction de l’Université ait laissé faire sans se préoccuper du devenir de ce nouveau centre de recherche, alors que celle-ci a investi massivement dans ce projet.

Avec Alternative 2017, nous voulons en finir avec ces décisions opaques, sans consultation des personnes intéressées et sans discussion des objectifs.

Comment concevez-vous l’enseignement à l’université ?

L’université a pour mission d’offrir aux étudiants les outils intellectuels leur permettant de se former en ayant le goût d’apprendre. L’organisation de la formation au sein de notre université est complexe, car elle couvre des champs nombreux et très variés, des niveaux de connaissances qui vont de la licence au doctorat. Cette transmission des savoirs n’a pas pour seule finalité l’intégration professionnelle des étudiants, elle doit également permettre l’émergence de penseurs. Pour cela nous devons créer des conditions à l’université qui génèrent un enthousiasme, aussi bien auprès des étudiants qu’auprès du personnel. Il faut que les étudiants aient envie d’étudier, qu’ils viennent à l’université avec une volonté d’apprendre. Pour cela, nous devons créer les conditions d’accueil nécessaires et cela passe par de bonnes conditions d’étude et une valorisation du travail. C’est essentiel, surtout dans cette période de disette financière.

Avez-vous un message particulier à adresser aux électeurs ?

La même politique a été menée depuis 8 ans, nous vous proposons de rompre avec cet état de fait et d’envisager l’avenir de votre université différemment. Si vous vous sentez concernés par notre projet, c’est à vous de nous permettre sa mise en place.