Les étapes de la hausse des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires à l’Université de Strasbourg

Contexte

En 2017, durant la campagne présidentielle, l’équipe actuellement en charge de l’ESR abandonne la possibilité d’un financement massif (“adieu le niveau scandinave”). L’objectif défini est alors un “changement en profondeur du modèle économique” par la modification de “l’équilibre effort de l’Etat/effort des familles” [ref].

Le candidat Macron écarte la perspective d’une “augmentation des droits d’inscription […] sauf pour les non-résidents communautaires”. Cela rejoint une demande de la CPU qui date d’au moins 2001 [ref]. Pour J.P. Korolitski, “on n’échappera pas complètement au débat ‘idéologique’ sur les droits. Il convient donc à [son] sens de blinder l’argumentation à l’avance pour faire passer une mesure (étudiants étrangers hors UE) à laquelle on ne peut qu’être bien évidemment favorables.” [ref].

Après l’élection de M. Macron, J.P. Korolitski sera chargé d’une mission sur l’expérimentation et l’innovation des établissements, « concourant à renforcer une autonomie responsable et maîtrisée des établissements » [ref].

Le 19 novembre 2018, le premier ministre annonce la mesure dans un plan dénommé “Bienvenue En France” [ref]

Déroulé à l’Université de Strasbourg

  • 11/2018 : la communauté universitaire strasbourgeoise produit de multiples motions d’opposition au principe de cette mesure. Par exemple : “Les élus et personnels de l’Université de Strasbourg souhaitent que leur université agisse conformément à ses valeurs humanistes en refusant d’appliquer cette mesure, ainsi qu’en la condamnant publiquement.” [ref]
  • 11/11/2018 : la DGESIP notifie à la présidence que cette mesure servira à compenser la baisse relative des dotations de l’université. M. Deneken refuse de communiquer cette notification [ref].
  • 12/12/2018 : le Conseil académique vote une motion “l’Université de Strasbourg s’oppose fermement à l’augmentation des droits d’inscription des étudiants extra-communautaires, contraire à ses valeurs d’accueil et d’hospitalité.” [ref].
  • 18/12/2018 : le Conseil d’administration adopte la motion du Conseil académique. M. Deneken refuse de présenter la totalité des motions de l’université devant la ministre qu’il doit voir quelques jours plus tard. Il demande qu’on lui fasse confiance [ref].
  • 23/01/2018 : les DNA titrent « Pernelle Richardot (PS) demande à l’Unistra de ne pas augmenter les frais d’inscription pour les étudiants étrangers » [ref].
  • 29/01/2019 : Lors du Congrès, M. Deneken prend la décision d’une position publique individuelle [ref], transmise à la presse avant d’être lue devant les élus [ref]. Elle est très ambiguë, n’évoquant notamment que la rentrée 2019.
    Rue89Strasbourg titre “L’Université n’appliquera pas la hausse des frais d’inscription pour les étrangers” [ref]
  • 12/03/2019 : le Conseil d’administration reçoit une délégation d’étudiants et de personnels titulaires et précaires qui exigent que M. Deneken se positionne plus clairement sur cette mesure. M. Deneken refuse de le faire et lève la séance [ref].
  • 19/03/2019 : le Conseil d’administration se réunit de nouveau, et M. Deneken annonce sa décision d’accepter le principe de la hausse des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires “ce n’est plus qu’une question de date” [ref].
  • 22/03/2019 : face au silence de la présidence sur ce revirement, les élus Alternative sont contraints de faire un communiqué “L’Université de Strasbourg accepte pleinement le principe de la hausse différenciée des droits d’inscription pour les étudiants étrangers” [ref].
    Il n’est repris dans aucun média.
  • 08/04/2019 : le comité de suivi des projets numériques de l’université décide de décaler le projet “Évaluation des formations” pour dégager le temps nécessaire à la réalisation de l’application “Gestion des droits différenciés (GDD)”.
  • 10/04/2019 : M. Deneken expédie un mail à destination de tous les personnels et étudiants. “Si ce projet devait malgré tout se concrétiser, je proposerai au conseil d’administration, comme je l’ai promis dès janvier, des mesures réduisant au maximum l’impact réel sur les étudiants qui voudront venir chez nous l’année prochaine” [ref].
    Ce “Si” est contraire à son annonce du 10/03/2019, ainsi qu’à la décision du 08/04/2019. L’expression alambiquée s’écarte nettement de la position du 29/01/2019.
  • 11/04/2019 : les DNA titrent “Hausse des droits d’inscription des étudiants étrangers : l’opposant Michel Deneken persiste et signe” [ref].
    Rue89Strasbourg titre “Hausse des frais d’inscription pour les étrangers : l’Université de Strasbourg tergiverse” [ref].
  • 12/04/2019 : dès le lendemain, M. Deneken reçoit Frédérique Vidal, en visite à Strasbourg, pour annoncer la création d’un diplôme universitaire Passerelle pour les étudiants en exil. On ne sait pas si la hausse des frais d’inscription pour ces étudiants a été évoquée [ref].
    L’Actu titre « Solidarité élargie en direction des étudiants réfugiés » [ref].
  • 15/04/2019 : La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle communique un courrier invitant à procéder à une exonération globale pour la rentrée 2019, afin de prendre le temps de développer une stratégie [ref].
  • 23/04/2019 : Lors d’un CA extraordinaire, M. Deneken fait voter une exonération globale pour la rentrée 2019, afin de prendre le temps de développer une stratégie.
    Il refuse que le Conseil demande une abrogation, que l’université banalise une journée en signe de protestation ou que soit discutée la possibilité de limiter les admissions aux étudiants exonérés. Il refuse donc toute forme d’opposition à la mesure.
    Les DNA titrent “Université de Strasbourg : des droits d’inscription identiques pour tous les étudiants” [ref].
    Rue89Strasbourg titre : “Étudiants étrangers : l’Unistra exonère en 2019 et cherche des solutions pour ensuite”, notant ainsi qu’il n’existe pas de solutions concrètes au delà de cette date [ref].
  • La 6ème édition du colloque dédié à l’accueil des étudiants internationaux aura lieu à Strasbourg, à l’Ecole Nationale d’Administration, les 15 et 16 mai.“ [ref].

Notre analyse

Face à une mesure contraire aux valeurs et intérêt de notre université, M. Deneken s’est retrouvé pris en étau entre la communauté qui l’a élu, et une ministre avec laquelle il entretient une très bonne relation. M. Deneken a alors pris le parti d’une communication très subtile, permettant d’afficher une opposition et, en même temps, de mettre en oeuvre la mesure, y compris d’un point de vue technique.

Ce faisant, son action a conduit à faciliter la mise en oeuvre de la réforme, notamment en neutralisant les oppositions. Il a donc agit conformément aux vœux de la ministre et contrairement à celui de sa communauté.

Strasbourg semble être au centre des annonces de la stratégie gouvernementale, et on ne peut exclure qu’une position différente de notre université aurait pu conduire à une position différente au niveau national.

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